L'hypnose en solo
Un article de Gilles Béchet paru dans le supplément Victor du journal Le Soir le 31 octobre 2002.
Pas besoin d'un fakir, ni même d'un hypnotiseur, pour rentrer dans un état second. Une fois qu'on s'est fait guider par un praticien, on peut y retourner seul.
Depuis les années 50, l'hypnose est un outil thérapeutique et diagnostic validé par la médecine. Utilisée en psychothérapie, elle se pratique également pour certaines anesthésie, histoire de faciliter des examens techniques invasifs ou d'aider certains patients à gérer leur stresse. Pourtant, aux yeux du public et de certains médecins, cette pratique a du mal à se débarrasser du turban et autres accessoires de music-hall.
L'hypnose, c'est quoi ? L'état hypnotique, d'abord, est un état de conscience, entre veille et sommeil, qui permet de se dissocier de pensées parasites ou de l'environnement pour focaliser toute l'énergie de la pensée sur une idée, une image, une sensation ou une douleur. Ensuite, il y a l'hypnothérapeute qui, par son savoir-faire, peut aider son patient à accéder plus facilement à cet état second. Le reste, ce sont des fantasmes qu'on laisse à la « Marque Jaune » ou à Kaa-le-serpent. Jamais, par exemple l'hypnose ne pourra forcer quelqu'un à agir contre sa volonté !
Depuis quelques années, l'hypnose bénéficie d'un discret retour en grâce, privilégiant une approche pratique moins manipulatrice. En hypnose traditionnelle, explique le docteur Eric Mairlot, neuropsychiatre, le praticien exerce son pouvoir du haut de son savoir et de ses suggestions. Le patient a l'impression qu'il n'est pas à l'origine des impulsions de son mental. Dans la nouvelle hypnose, le thérapeute s'efforce de s'éloigner de cette illusion de pouvoir. Il agit plutôt comme un guide de haute montagne. Le patient sait marcher, mais ne connaît pas le chemin. C'est uniquement grâce à ses ressources qu'il peut changer. Si le contrôle du mental est possible, c'est grâce aux mécanismes de l'auto-hypnose. Une fois qu'on lui a montré le chemin, le patient peut le retrouver tout seul, sans aide.
Dans différentes circonstances, les gens produisent d'ailleurs eux-mêmes de l'auto-hypnose… sans le savoir. Les états de panique avec sueur et jambes lourdes sont le résultat d'un intense état d'auto-hypnose négative. Comme les phobies ou la boulimie. Celui qui engloutit un plat de spaghettis froids est dans un état second qui anesthésie son estomac. Dans un état normal, son estomac ne le supporterait pas. Mais si le mental peut générer un état d'auto-hypnose négative, il peut aussi le faire dans une perspective positive. Tout le monde peut travailler l'auto-hypnose. C'est une capacité naturelle qu'on doit réapprendre. Car on en a besoin, argue le Dr Mairlot. De la même manière que, durant le sommeil, le cerveau traverse différents états de conscience, l'état de veille n'est jamais uniforme. Pour se libérer du stress ou de certaines émotions pénibles, le cerveau a besoin de s'échapper de cet état de contrôle volontaire où la concentration, l'état émotionnel et le tonus physique n'arrivent plus à s'adapter.
Des artistes avant de monter sur scène ou des sportifs avant la compétition y ont fréquemment recours. On remarque souvent chez les grands sportifs de meilleure capacités à l'auto-hypnose. Les tennismen suédois ou le véliplanchiste Loïc Peron ont été entraîné par cette méthode, mais ils n'aiment pas le reconnaître de peur d'être mal compris par le public. Dans la vie de tous les jours, on a souvent besoin de modifier son état de conscience, mais beaucoup de gens ont du mal à gérer cette transition. Après une intense journée de boulot, nombreux sont ceux qui ont besoin d'un sas de décompression avant d'être détendus est disponibles pour leurs proches. Certains ont recours à des expédiants extérieur, à des rituels, des manies… quand ce n'est pas la tablette de chocolat ou la demi-bouteille de whisky.
Le docteur Mairlot, qui enseigne l'hypnose aux médecins, dentistes, psychologue et psychothérapeutes dans différents hôpitaux bruxellois, propose également des ateliers d'auto-hypnose ouverts au grand public. Deux thématiques y sont abordées. Un cycle se consacre à la gestion du stress et l'autre aux problèmes de poids et de boulimie. Objectif ? Donner aux participants des techniques qu'ils pourront reproduire par après, soit ponctuellement dans des moments de crise, soit pour mieux vivre le quotidien. Thérapeute, Eveline Valenti a suivi les ateliers, pour des raisons professionnelles d'abord. Je me suis très vite rendu compte du bien que ça me faisait. C'est une autre manière de travailler l'inconscient qui vous plonge dans un état d'hyperconcentration qui n'a rien à voir avec la somnolence.
Pour pratiquer l'auto-hypnose, il faut d'abord avoir été hypnotisé soi-même. Lors de la première séance, le Dr Mairlot conduit le groupe vers l'état hypnotique en travaillant, par exemple, l'image d'une forêt. Pendant que chacun imagine sa forêt, il glisse des mots tels que « courage » ou « confiance en soi ». De retour à la maison, le simple fait de penser à un arbre que l'on a vu, au mot « courage » ou « confiance en soi » permet de retrouver l'état d'hypnose. Chez certains, le déclic se fait après la première séance, chez d'autres, ce sera après la troisième ou la quatrième. En un an et demi, je n'ai pas vu une seule personne qui n'ait fini par raccrocher. Il faut dire aussi que s'ils prennent la peine de venir et de payer (72 euros la séance de quatre heures, 59 € si on en prend plus de trois, ndlr), c'est qu'ils ne sont pas rebelles. Lorsque ces mécanismes sont intégrés, l'auto-hypnose peut devenir une pratique quotidienne, une hygiène cérébrale. Comme le matin on va se brosser les dents, on peut dire, je vais me déstresser.