De l'art de la communication
Un article de Claire Coljon paru dans le magazine Le Généraliste le 18 septembre 2002.
L'art de l'hypnose thérapeutique. Celle qui aide à faire face aux migraines ou aux nausées, à maîtriser les troubles dépressifs et anxieux, à contrôler la douleur. Celle qui offre à l'initié une meilleure communication avec son patient. Et l'aide ainsi à se porter mieux.
C'est au cours de son premier doctorat de médecine que Eric Mairlot s'enthousiasme pour les implications psychosomatiques des pathologies. S'ensuit un stage à l'hôpital universitaire cantonal de Genève quand un séminaire d'hypnose, suivi un peu par hasard, lui fait découvrir l'efficacité de la suggestion hypnotique. S'enracine alors une passion qui l'incite à renoncer à sa formation de généraliste – manque de bases pour comprendre les interactions entre le corps et le mental ! – pour se tourner vers la neuropsychiatrie.
Eric Mairlot ne sera donc pas gĂ©nĂ©raliste psychosomaticien mais neuropsychiatre Ă Brugman (oĂą il enseigne Ă©galement l'hypnose aux futurs dentistes), hypnothĂ©rapeute et prĂ©sident de l'Institut de Nouvelle Hypnose. Un Institut qui, cette annĂ©e encore, ouvre Ă tous (dès 16 ans) des ateliers d'auto-hypnose pour aider au sevrage tabagique, mieux gĂ©rer le stress, faire face a ses problèmes de poids ou de boulimie. Et qui propose initiation et formation Ă l'hypnose thĂ©rapeutique aux professionnels de la santĂ©.Â
Entre Ă©veil et sommeil
Loin du mage qui, fixant son interlocuteur dans les yeux, lui intime « dors, je le veux ! », la voix rassurante du thĂ©rapeute invite Ă se dĂ©tendre, Ă relâcher ses muscles, Ă se concentrer sur une odeur, une image, une sensation physique, une pensĂ©e… Il utilise l'hypnose pour tenter de rĂ©soudre les problèmes du corps par la force de l'esprit. « L'Ă©tat d'hypnose est un Ă©tat modifiĂ© de cosncience (EMC), situĂ© entre Ă©veil et sommeil. Il permet de rĂ©tablir une communication entre le cerveau (le mental) et le corps. De recrĂ©er une unitĂ© psychosomatique. Le courant passe dans les deux sens : le cerveau peut comprendre certaines douleurs – par exemple, des lombalgies provoquĂ©e par un surcroĂ®t de travail ou de contrariĂ©tĂ©. « J'en ai plein le dos ». En retour le patient dĂ©couvre comment il se porte mal, comment il entretient sa pathologie ». Pratiquement, comment fonctionne l'hypnose ? « Il faut plonger dans les Ă©tonnant rouages du cerveau. L'hĂ©misphère gauche, rationnel, analytique est celui qui prĂ©domine Ă l'Ă©tat de veille. Puis l'hĂ©misphère droit, onirique et intuitif oĂą se forge la perception du monde et oĂą, depuis Freud, l'on sait que s'impriment les images des rĂŞves, ces « interprĂ©tations de la rĂ©alité » qui peuvent influencer les comportements. L'hypnose consiste Ă mettre en veilleuse cette moitiĂ© raisonnable pour permettre des contrĂ´les diffĂ©rents ». Des contrĂ´les indirects, comme la force de l'imaginaire qui permettra de desserrer « l'Ă©tau » de la migraine. De piĂ©ger « l'araignĂ©e » de cette mĂŞme migraine ou de faire taire les « cigales » de celui qui se plaint d'acouphènes...« Car bien souvent, le patient donne lui-mĂŞme les clĂ©s de dĂ©codage de ses souffrances ». Â
Un état de réceptivité
PrĂŞt Ă tout pour se sentir mieux, le patient se laisserait hypnotiser sans broncher ? « Seulement 20 % des patients sont rĂ©ceptifs Ă l'hypnose traditionnelle ! Nous appliquons les techniques de communication nouvelles mise au point par le psychiatre amĂ©ricain Milton H. Erickson. Une mĂ©thode qui associe hypnotisabilitĂ© et suggestibilitĂ© avec, effet secondaire, relaxation. Elle n'est pas sans exiger un plus grand investissement personnel du thĂ©rapeute qui doit trouver les mĂ©canismes et les images qui toucheront le patient. En clair, son rĂ´le est de guider, d'aider l'autre Ă plonger dans son inconscient et Ă puiser en lui-mĂŞme l'Ă©nergie et les ressources qui lui permettront d'aller mieux ».Â
Comment le guider ? « Par des suggestions créatives et positives. Je me souviens d'une dame qui souffrait de coliques accompagnées de bruyantissimes gargouillis. Sous hypnose, je lui ai suggéré de boire une gorgée d'une tisane odorantes. Les borborygmes ont cessé… jusqu'à la disparition, quelques heures plus tard, de l'effet du miraculeux nectar. En bref, une auto-suggestion positive lui a permis de ne plus subir, de reprendre un contrôle total sur son organe ! » Un temps d'hypnose suivie d'une formation à l'auto-hypnose et par conséquent d'un retour à l'autonomie quand la patiente imagine par elle-même ce souverain breuvage… jusqu'à ce que son subconscient prenne le relais. » Attention, notre rôle est de guider, d'aider le patient à exploiter ses capacités. Pas de nous substituer aux traitements et aux médicaments ! »
Pensez positif
Pour le docteur Mairlot, l'état hypnotique rend tous plus facile : les résistances du patient sont amenuisées et sa réceptivité aux suggestions et augmentée. Il offre également de développer la créativité et de mémoriser aisément les suggestions et autosuggestions positives. Il permet le contrôle de nombre de fonctions physiques involontaires : les battements cardiaques, le diamètre des bronches et des vaisseaux sanguins, les mouvements du tube digestif… Enfin, l'hypnose permet à chacun de puiser dans ses ressources personnelles pour agir efficacement sur sa maladie ou sa pathologie. « Soyez positifs, penser positif ! Au régime, l'obèse affamé jure qu'il va mourir de faim. Et si la sensation désagréable qui taraude son estomac vide n'était, suggestion ô combien plus réjouissante, que celle d'une taille en train de s'affiner. Chaque fois que vous avez faim, vous maigrissez ! De même, si le dentiste ou le médecin qui prépare sa seringue assure « N'ayez pas peur, vous n'aurez pas mal », le patient ne retient que « peur » et « mal ». Question de formulation, question de suggestions… ».
Car Eric Mairlot en est convaincu, l'hypnose peut aussi être une méthode de relaxation extrêmement rapide, bien mieux adaptée à notre vie occidentale que le yoga par exemple. Elle est également une des techniques de psychothérapie qui donne le moins d'effets secondaires. « En outre, il y a moins de danger à apprendre l'hypnose qu'à ne pas la connaître ! Pensez à toutes les suggestions négatives qu'un médecin peut faire un consciemment. Induisant ainsi des symptômes nouveaux à son patient… ». Et d'évoquer cet homme qui se plaignait d'une maladie de cœur jamais prise au sérieux. Il avait suffi, il y a bien longtemps, du regard étonné d'un cardiologue…
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Pratiquement
À partir du 19 octobre 2002 s'ouvre la première année d'une formation à l'hypnose thérapeutique étalée sur deux ans – un cycle accrédité par l'INAMI chaque année. L'objectif de ces ateliers pratiques et de donner à chacun le savoir-faire suffisant pour susciter et gérer un état hypnotique chez un patient, pour entraîner des changements thérapeutiques par l'utilisation de diverses suggestions hypnotiques, adapter cet outil thérapeutique à la pratique professionnelle et enfin utiliser les techniques d'auto-hypnose pour son évolution personnelle.
La première année forme à l'éthique, apprend à pratiquer les techniques de base de l'hypnose traditionnelle, Ericksonienne et de la nouvelle hypnose ainsi qu'à les appliquer dans les problèmes fonctionnels et psychosomatique des enfants et des adultes. La prise en charge psychothérapeutique est, elle, abordée en deuxième année.