L'hypnose, comment ça marche ?
Un article de Maïder Dechamps paru dans le magazine Moustique en mars 2012.
Remettons le pendule à l'heure : ce n'est pas qu'un tour de magicien de foire. Troubles alimentaires, dépendances..., de plus en plus de médecins s'y intéressent....
L'expert
|
est un neuropsychiatre et psychanalyste français spécialisé en hypnose. Il enseigne cette technique à la faculté de médecine de Bordeaux. |
Contrairement aux idées reçues, l'hypnose n'est pas qu'un phénomène de foire, un numéro pour spectacle télé plus ou moins bien rodé. On trouve aujourd'hui des hypnothérapeutes très sérieux : des psychiatres, des anesthésistes (voir ci-contre), mais aussi des sages-femmes, des chirurgiens, des oncologues... C'est que la communauté scientifique accepte de mieux en mieux cette technique qui rend de grands services : aide au traitement de la dépression, des addictions, de l'angoisse, des insomnies, des phobies, des troubles alimentaires, des compulsions, des migraines, de la douleur. Aide à l'arrêt du tabac (fructueux pour 70 % des candidats), réduction des phobies, préparation à l'accouchement... Jean-Claude Espinosa, neuropsychiatre et psychanalyste français, nous parle de cet outil, qu'il utilise chaque jour dans sa pratique. Il nous dit ce que l'on peut attendre. Ou pas.
C'est quoi, l'hypnose ?
JEAN-CLAUDE ESPINOSA - L'hypnose, c'est un état de conscience modifié. Ce n'est pas de la magie, c'est un état naturel, spontané et physiologique. On est souvent en état d'hypnose sans le savoir. Quand on est dans la lune, par exemple, ou qu'on est distrait en conduisant.
On pense tous à la phrase "Dormez, je le veux !" Est-ce qu'on dort vraiment sous hypnose ?
J.-C.E. - Hypnose est le terme grec pour "sommeil", mais ce n'est pas du sommeil. Je suis neurologue, je fais subir des électroencéphalogrammes à des patients sous hypnose. Ils ont un tracé d'eveil long. Ils sont éveillés.
Qui vous consulte ?
J.-C.E. - Je suis neuropsychiatre. Donc, je traite des dépressions nerveuses, des conduites addictives comme l'alcoolisme, des douleurs chroniques, des étudiants et des sportifs qui cherchent à vaincre le stress des examens et compétitions. Je prévois toujours un premier entretien pour apprendre à connaître le patient et savoir ce qu'il attend de l'hypnose parce que j'ai parfois des demandes assez ahurissantes : retrouver des vies antérieures, faire de l'hypnose par téléphone ou sur la base d'une photo de femme frigie ! (Rires)
Pendant la séance d'hypnose proprement dite, comment ça se passe ?
J.-C.E. - Il existe différentes chapelles. Il a l'hypnose très formelles avec des suggestions très directes : "Faites cela, je le veux", ce que font les hypnotiseurs de foire. Dire "vous n'avez plus mal" à quelqu'un, ça peut marcher dans certains cas, mais si la personne n'aime pas trop les ordres, ce sera un échec. L'hypnose dite ericksonienne, la plus pratiquée, actuellement, se base sur des suggestions beaucoup moins directes et connait plus de réussite. Pour ma part, après le premier entretien, j'élabore un conte en fonction de l'histoire personnelle de mon patient, dans lequel je glisse des suggestions indirectes qu'il prendra comme quelque chose de normal, pas comme un ordre. Son attention étant détournée, il pourra alors prendre des décisions le concernant qu'il n'arrive pas à prendre "éveillé".
Une seule séance suffit-elle parfois pour guérir ?
J.-C.E. - C'est très rare. Quand une dépression met 30 ans à s'installer, je ne vois pas comment on pourrait résoudre le problème en une seule séance. Ça arrive parfois dans le cadre d'une addiction au tabac ou autre, mais suivant la pathologie, ça prend souvent un minimum de 10 séances.
L'hypnose, c'est sans risque ?
J.-C.E. - Sans aucune risque, du moins si elle est pratiquée par des gens formés par des médecins, et pas par des hypnotiseurs trouvés sur Google.
Remontez-vous dans l'enfance pour y dénicher des traumatismes enfouis ?
J.-C.E. - Non. Parce que, sous hypnose, le patient répond aux questions de manière littérale et on peut être confronté à ce qu'on appelle aux Etats-Unis "des greffes de faux souvenirs". Une vraie catastrophe : on trouvait des traumatismes d'incestes chez une femme de 60 ans et son père de 90 ans était condamné à des décennies de prison alors qu'en fait il n'avait peut-être rien fait.
Peut-on faire dire ou faire faire des choses à quelqu'un contre son gré ?
J.-C.E. - L'hypnose n'est pas un sérum de vérité. Un sujet ne dira pas ou ne fera pas quelque chose qu'il tairait ou refuserait étant éveillé. Je me souviens d'un psychiatre anglais en instance de divorce. Il pratiquait l'hypnose et, pour éviter de payer une pension alimentaire, il a fait des suggestions de suicide à sa femme. Sauf que la femme, n'étant pas suicidaire, est sortie immédiatement de son état de transe et le mari a fini en prison !
Vous parliez de vos patients dépressifs ou alcooliques, l'hypnose peut-elle les soigner ?
J.-C.E. - L'hypnose ne remplace pas les traitements traditionnels. C'est un outil complémentaire qui permet, par exemple, de donner moins de médicaments pendant moins longtemps. On peut aussi apprendre aux patients l'auto-hypnose, qui leur permet de se prendre en charge eux-mêmes : ce qui fonctionne bien pour les comportements addictifs, comme l'alcoolisme.
Quand on s'auto-hypnotise, peut-on revenir ensuite tout seul à la réalité ? Ne risque-t-on pas de "rester dedans" ?
J.-C.E. - Si vous vous mettez en état d'hypnose, c'est vous-même qui pouvez en sortir. On n'a pas besoin ni d'une clochette, ni d'un signal de l'hypnotiseur, ni d'un coup de téléphone comme on le voit dans certains films. Moi, j'utilise l'auto-hypnose en permanence dans on métier, face à des patients qui refusent de se soigner et que j'ai parfois envie d'étrangler. Ça m'aide à prendre de la distance face à mon émotion. Je suis là, bien présent, mais je gère mon envie de les étrangler ! (Rires).
Vous faites de l'auto-hypnose en travaillant ? Devant des patients ? Ça ne demande pas d'être seul, au calme ?
J.-C.E. - Pas du tout. Quand je prépare des sportifs de haut niveau pour la compétition ou des étudiants pour un concours universitaire, il ne fait qu'ils soient endormis !
Faite-le vous même !
Le spécialiste
|
est neuropsychiatre et directeur de l'Institut de Nouvelle Hypnose, à Bruxelles. |
Mercredi soir, dans une belle maison bruxelloise, l'atelier est intitulé "Auto-hypnose et régime paradoxal". Paradoxal ? Oui, parce que, dans ce régime, on peut manger tout ce qu'on vent et dans la quantité souhaitée à condition de se limiter aux trois repas et de choisir à l'avance les aliments qui nous feront le plus plaisir... Une trentaine de personnes, dont seulement deux hommes, écoutent le Dr Mairlot, neuropsychiatre de son état. Dans on centre, une dizaine de spécialistes pratiquent l'hypnose en groupe (180 € pour trois ateliers) ou en séances individuelles (de 65 à 120 €, dont 52 sont remboursés). L'homme est grand, très élégant et doté d'une voix à tomber.
"L'auto-hypnose est un état naturel, spontané, que chacun a connu dans l'enfance pour adapter sa vie émotionnelle et physiologique au monde extérieur", explique ce "Dr Charme". D'ailleurs, sans le savoir, on s'auto-hypnotise tous, régulièrement. "Mais il y a des auto-hypnoses négatives", poursuit le Dr Mairlot. Fumer clope sur clope, boire trop, s'abrutir devant la télé : autant de "rituels" pour nous plonger dans cet état second dont nous pensons qu'il nous aide à faire face à la réalité. "Pour beaucoup de boulimiques, la crise - le fait de manger - produit une forme d'auto-hypnose", assure Eric Mairlot. "Si on leur fait découvrir qu'ils peuvent changer d'état par l'auto-hypnose et se sentir bien sans les calories, les vomissements et la culpabilité, c'est gagné." Trop beau pour être vrai ? À voir...
À entendre Christian, Valérie et d'autres adeptes convaincus, le régime paradoxal et l'auto-hypnose leur ont permis de retrouver les saveurs et le plaisir de manger tout en perdant du poids. Ce soir, le Dr Mairlot propose plusieurs exercices. On commence par déguster son aliment préféré bouchée par bouchée. On faut aussi un "ancrage". Pour cela, on fixe un point en respirant profondément jusqu'à laisser ses yeux se fermer et penser à une situation agréable, de détente ou de rire. "Maintenant, faites un geste en pensant bien à cette situation de plaisir, invite le Dr Mairlot de sa voix chaude. A l'avenir, quand vous réaliserez ce geste, vous ressentirez ce bien-être par réflexe conditionné."
Il faut l'avouer, on sort de cet exercice dans un bien-être parfait. Avec l'impression d'avoir été loin et, en même temps, d'être resté capable à tout moment de sortir de l'état hypnotique si on l'avait voulu... "On pense souvent que l'hypnose, c'est une perte de contrôle, conclut le Dr Mairlot. Au contraire ! Plus vous êtes détendu, mieux vous contrôlez les choses."
Des chirurgiens sous hypnose !
Souvenez-vous : en 2009, la reine Fabiola subissait l'ablation de la thyroïde sous hypnose, chez l'une des pionnières mondiales de l'hypnosédation, le Dr Faymonville du CHU de Liège. À partir d'un certain âge, les anesthésies générales sont en effet à éviter autant que possible. Et, de manière générale, les remplacer par l'hypnose pour des "petites" interventions permet un réveil moins désagréable et un rétablissement plus rapide.
"Se faire charcuter sous hypnose ? Pas question !", s'écrie Julien, 34 ans, qui aurait peur de "sentir" l'opération en direct. On le rassure, l'anesthésiste rencontre le patient à l'avance afin de déterminer avec lui des éléments très personnels, comme des souvenir de voyage, qui permettront de "détourner son attention" le jour J. Dans la salle d'op, le patient est endormi localement et placé sous sédatif léger. En cas d'inconfort, un signe a été convenu avec l'équipe qui peut basculer en une seconde vers une anesthésie classique. L'hypnosédation peut commencer : le corps est là, mais l'esprit est ailleurs. Dans un jardin, à New York, dans la mer... Loin, bien loin de la douleur.
Pour aller plus lois
- Institut de Nouvelle Hypnose asbl 02 538 38 10. nouvellehypose.com
- Institut Milton H. Erickson de Liège 04 367 31 85. hypnose-ericksonienne.be