Aller mieux : je le veux !
Un article de Sarah Colasse paru dans La Libre Belgique le 30 octobre 2002.
L'hypnothérapie, discipline vieille de 150 ans, invite au voyage dans l'inconscient. « Comment changer ce qui dysfonctionne ? » pose la nouvelle hypnose. Il ne s'agit pas d'y croire ou pas, l'essentiel est de collaborer.
Le docteur Eric Mairlot, neuropsychiatre, est consultant aux Hôpitaux universitaires de Bruxelles et président de l'Institut de Nouvelle Hypnose et psychosomatique. Outre ses consultations, il forme les médecins généralistes et spécialistes ainsi que les psychologues et psychothérapeute aux techniques hypnotique (cycle trois ans). Il dirige également des ateliers d'auto hypnose pour tous.
À l'heure où l'on nous met en garde contre les antibiotiques, où l'on sent plus que jamais compte des méfaits de la cigarette, d'une mauvaise alimentation et du stress, où l'on voit l'exercice prôné, les médecines douces recommandées, etc., pensez-vous que l'hypnose fait partie d'un « courant », d'un tournant actuel dans notre hygiène de vie ?
Oui, c'est vrai… Les médecins que je forme à l'hypnose se rendent compte que les patients ne sont plus prêts à prendre n'importe quoi ! Ils ne veulent plus de tranquillisants et autres sources de dépendance. Il réclame du naturel. L'hypnose constitue le traitement le plus naturel. En outre, il s'agit d'une pratique agréée par toutes les sociétés médicales et reconnue comme une technique médicale à part entière par les médecins (contrairement aux parallèles). L'hypnose est née au sein de la médecine, bien avant que les forains ne s'en emparent…
Il semble que l'hypnose souffre encore des images et a priori véhiculés par ce côté spectaculaire…
Les fausses croyances ont la vie dure ! Et portent forcément préjudice : s'il n'y avait pas cela, on aurait beaucoup moins de gens résistants lors de la première séance. Ces patients réalisent ensuite qu'ils restent en fait conscients, qu'ils ne sont pas du tout passifs. Le fait de vivre quelque chose sous hypnose à valeur d'expérience : quand l'hypnotiseur amène un agoraphobes à se rendre dans un supermarché et lui apprend à gérer sa peur, cette réussite agit comme un acquis, une réalité.
Le « patient actif et autonome » que prône la nouvelle hypnose…
L'ancienne hypnose revêt l'image d'un hypnotiseur qui guérit, impose les solutions, dans une attitude de domination et d'autorité auprès de son patient passif. La nouvelle hypnose (amenée par Milton Erickson dans les années 50) se débarrasse de cela : le médecin est là pour accompagner, guider, orienter, donner confiance en soi… Par conséquent, cette thérapie rend plus vite autonome que les psychothérapies verbales classiques. Nous nous trouvons dans deux logiques différentes : en psychanalyse on travaille le « pourquoi », en hypnose on travaille le « comment changer ». C'est ce qui a modernisé l'hypnose en « thérapie du changement » : on a étudié le « comment font les gens pour ne pas s'en sortir ? ». On aide ensuite le patient a changer. Il s'agit d'un apprentissage, voire d'un réapprentissage.
Cette thérapie soigne un tas de maux (allergies, dépression, migraines, phobies, manque de confiance en soi, asthme, tabagisme, etc.) ; parmi eux, quelles sont ceux pour lesquels les résultats sont les plus fructueux ?
Il y a un ensemble de problèmes – parfois bénins, très pathologiques – qui sont caractérisés par une perte de contrôle, un état second, une sorte d'auto-hypnose négative… Prenons l'exemple des boulimiques, elles décrivent un état second : elles vont vers le frigo comme des automates. Il en va de même pour des crises phobiques, les troubles obsessionnels compulsifs, des crises d'angoisses… Les autosuggestions négatives produisent des émotions qui vont accentuer les problèmes. Pour y parer, on familiarise le sujet au processus hypnotique positif : en quelques séances, il arrive à se contrôler.
Que ne guérit pas l'hypnose ?
Elle peut guérir ce qui est dysfonctionnel mais pas ce qui est franchement d'origine organique (sclérose en plaques, cancer…). Là, elle peut cependant amener un soutien thérapeutique puisqu'on sait que la vie émotionnelle peut modifier la gravité de la pathologie. L'hypnose traite aussi des problèmes psychosomatiques, c'est-à-dire pour lesquels le cerveau peut entraîner une autoguérison.
Chacun est-il hypnotisable ?
Il s'agit d'un état de conscience modifié… Tous les cerveaux ont cette capacité naturelle de modifier leur état : on le fait tous les soirs avant de s'endormir ! Ici, la méthode consiste à utiliser les suggestions dans cet état entre veille et sommeil. C'est vrai aussi qu'il existe des gens très doués dès la première séance. Il s'agit de personnes très imaginatives, curieuses.... mais pas forcément des gens convaincu. Souvent, les plus sceptiques sont les plus réceptifs. Il n'y a pas besoin d'y croire. C'est comme si l'on disait « le sommeil je n'y crois pas »…
Notre cerveau gauche résonne, notre cerveau droit imagine, se souvient et ressent, le médecin parle donc à ce dernier, l'inconscient.
Nous n'utilisons que 10 % de nos neurones. L'hypnose permet de puiser dans ce potentiel en parlant en effet au cerveau droit ; cela fonctionne puisqu'elle utilise son langage (l'image, la métaphore…). On peut, de la sorte, apprendre beaucoup plus vite.
Les artistes, eux, savent mieux utiliser tout ce potentiel que nous n'entretenons pas…
Oui. Il m'arrive d'ailleurs de travailler avec des artistes en panne de créativité. Il faut alors les aider à restituer leurs intuitions, leur spontanéité… Je rencontre également certains sportifs, lorsque leur vision trop analytique des choses prend le pas sur leur fonctionnement globale, leur spontanéité….
Epinglé
Après moult tentatives thérapeutiques, l'hypnose constitue parfois le dernier recours pour certains ; l'endroit où l'on accède enfin à ses propres ressources. Que ce soit cette agoraphobe qui ne sortait plus de chez elle et qui à présent foule les planches d'un théâtre, ou cette personne dépressive depuis 15 ans qui voit enfin le bout du tunnel, ou encore ces migraineux qui ont enfin pu arrêter de subir leur étau, ces accros à la cigarette qui cessent leur dépendance… Les résultats sont parfois édifiants. Mais ce sont les potentiels de l'humain qui sont édifiants, nous dit la nouvelle hypnose. Reste à savoir comment les découvrir et les utiliser.
Au CHU de Liège, le docteur Faymonville – chef de service associé au centre de la douleur et au service d'anesthésie – pratique avec son équipe une dizaine d'opérations sous hypnosédation par semaine. Ce qui permet d'éviter l'anesthésie générale lorsque patient et chirurgien sont d'accord : "on injecte un médicament antistress et antidouleur qui laisse le patient conscient. L'hypnose diminue la douleur, agit en distracteur puissant et augmente l'effet des médicaments ; le sujet est physiquement présent mais mentalement ailleurs », décrit le docteur Faymonville. En dix ans, plus de 3500 patients ont été opérés sous hypnosédation dans cet hôpital.